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Dans un entretien récent au Wall Street Journal, l’actrice de 54 ans a déclaré qu’elle en avait assez de la culture de l’annulation, dite "cancel culture" en anglais. Elle a exprimé son incompréhension envers cette tendance et s’est demandée s’il n’y avait pas de possibilité de rédemption pour les personnes concernées. Elle a également mentionné qu’elle ne mettait pas tout le monde dans le même panier que Harvey Weinstein. Jennifer Aniston en a profité pour évoquer également des moments inconfortables vécus avec le producteur déchu. Weinstein n’était pas quelqu’un avec qui elle avait envie de passer du temps, confie-t-elle.

Ce n’est pas la première personnalité à prendre position sur le sujet. D’autres célébrités, comme la chanteuse Lizzo, l’humoriste Chris Rock, les actrices Goldie Hawn, Molly Ringwald ou Cate Blanchett, et bien d’autres, ont aussi pris la parole pour dénoncer les dérives de cette sous-culture. En Europe, c’est surtout l’écrivaine britannique J. K. Rowling, à l’origine de la sage Harry Potter, qui est la principale critique publique de cette tendance. Mentionnons également l’ancien ministre de l’éducation nationale française, Jean-Michel Blanquer, qui signait il y a moins de deux ans une lettre ouverte pour avertir le monde académique du péril que la cancel culture posait pour son indépendance et pour la citoyenneté en général.

La "cancel culture" vise à tenir les individus responsables de comportements jugés haineux ou scandaleux par une ostracisation ostentatoire de leur personne. Cela consiste à nuire à leur carrière professionnelle, bien souvent dans un cadre extra-légal, voire illégal et peut parfois mener à de véritables campagnes de harcèlement.

Cette méthode d’action peut entraîner de l’anxiété, de la dépression et même des traumatismes pour toutes les personnes impliquées. Bien que l’intention de la "cancel culture" puisse être jugée louable en termes de responsabilité individuelle, elle présente plusieurs problèmes dans sa mise en œuvre réelle.

- Encouragement de la honte plutôt que de la responsabilité : La "cancel culture" se concentre sur la responsabilité individuelle sans aborder les problèmes systémiques à l’origine des comportements haineux. Elle peut ainsi faire honte aux individus sans les éduquer sur les raisons pour lesquelles leurs actes sont problématiques et blessants. Cette approche ne permet pas de remettre en question l’idéologie qui sous-tend les comportements annulables.

- Effets contre-productifs : Même si la "cancel culture" semble parfois fonctionner temporairement, elle peut finalement avoir des conséquences inverses. Les personnes annulées peuvent revenir avec plus de détermination, parfois même avec un soutien public renforcé. C’est un cas dérivé de ce que l’on appelle l’effet Streisand, lorsque la volonté d’étouffer une affaire ou d’annuler une personne attire au contraire l’attention sur celle-ci, là où une non-réaction aurait produit davantage de désintérêt. Ainsi, les tentatives d’annulation peuvent attirer davantage l’attention sur les comportements négatifs et les rendre populaires.

- Diversion vers le divertissement : Lorsque la "cancel culture" se focalise sur la punition plutôt que sur l’acte répréhensible en lui-même, elle peut devenir un spectacle de divertissement plutôt qu’une démarche de responsabilité. Les réseaux sociaux et les cycles d’actualités alimentent cette tendance. On veut créer un buzz en s’acharnant sur une personne en particulier, afin de susciter un drama au détriment de la justice.

Certains auteurs ont aussi attiré l’attention sur les conséquences de la "cancel culture" sur la santé mentale des personnes annulées, ainsi que sur celle des annuleurs. Les commentaires haineux et discriminatoires peuvent causer des détresses émotionnelles importantes pour les groupes ciblés. De même, la "cancel culture" peut également avoir des répercussions négatives sur la santé mentale des personnes annulant, notamment en les exposant à des risques de menaces et de harcèlement.

Pour tenir les individus responsables de manière saine, il conviendrait plutôt d’adopter les mesures suivantes :

Rassembler les faits : Exposer clairement ce qui s’est passé et pourquoi c’est un problème.

Communiquer directement avec la personne ou l’institution concernée : Éviter de passer par des menaces publiques ou par des tiers qui risquent d’amplifier les faits reprochés.

Offrir l’opportunité d’entendre l’autre partie et envisager des remédiations, si possible.

Si nécessaire, envisager des actions légales ou de sensibilisation publique, en mettant l’accent sur la résolution du conflit plutôt que sur la simple dénonciation.

Appeler à la responsabilité plutôt que simplement condamner en public est une manière efficace de tenir les individus responsables sans sombrer dans la "cancel culture".